Philippe Bagot, directeur général et commercial, Corbis France
Par Jean-Philippe Klein
"Nous sommes une société de services "
Un immeuble lumineux dans l'Est parisien. Un quadra détendu et souriant genre californien sportif. C'est Philippe Bagot, Sciences Po., ESSEC et directeur de Corbis France, l'une des premières agences photos françaises. Mais s'agit-il encore d'une agence photo ?
Le rachat de l'agence Sygma a fait des vagues lors du démarrage de Corbis France, c'est " digéré " maintenant des deux " cotés " ?
C'est pour nous de l'histoire ancienne mais j'accepte d'en parler d'autant que Corbis assume parfaitement l'héritage de Sygma. Le fonds de cette agence s'élève à 60 millions de documents dûs à 8 800 photographes contributeurs. Nous avons décidé de tous les identifier, de les retrouver et de leur demander : voulez-vous nous laisser la gestion de vos images ? S'ils acceptent nous rééditons leurs anciens reportages si possible avec eux, numérisons et proposons en ligne ces clichés. Nous remettons au goût du jour des images archivées en les distribuant mondialement. Si les auteurs refusent de nous les confier, nous leur restituons. Et l'ensemble de la collection analogique Sygma ainsi clarifiée sera d'ici deux à trois ans archivée et préservée pour le long terme dans un lieu modèle, dédié et accessible en France.
En 2006, vendre des images autrement qu'en ligne vous parait inacceptable ?
C'est devenu difficile et peu réaliste en effet dans l'exercice à l'échelle internationale de notre métier. Un métier de services qui s'exerce selon deux axes stratégiques forts : le secteur de la vente d'images commerciales (publicité, magazines) et celui de la commercialisation de photos éditoriales (dédiées à la presse et l'édition). Les parts respectives réservées à ces deux pôles sont à peu près égales. Toutefois, pour Corbis, le marché de la photo commerciale s'avère stratégique. Nous avons procédé en 2005 à l'acquisition de l'agence Zefa (photos d'illustration) pour renforcer notre stratégie face à Getty par exemple. Corbis au plan mondial, c'est en 2006 16% de croissance pour le 1er semestre. 110 salariés y contribuent en France.
Envisagez-vous de nouvelles acquisitions en France ?
Non, Corbis s'oriente davantage vers des partenariats avec d'autres agences et des photographes. Nous sommes une passerelle et nous adressons autant aux entreprises qu'aux photographes. Aux premières nous apportons nos services. Aux seconds, la gestion et la vente de leurs images. Aux deux, des services peu répandus dans d'autres agences de notre catégorie. Je veux parler de services de types juridique et artistiques. Qu'il s'agisse de négociations des droits entre le sujet photographié et l'utilisateur de son image ou bien encore de représentation d'intérêts d'une structure comme la fondation Andy Warhol ou bien encore de la production d'images. A ce sujet Corbis représente une vingtaine de photographes dans le monde. Dans les futurs services, nous pourrions réfléchir à la prise en charge des photothèques privées des entreprises, auxquelles nous fournissons déjà des logiciels de gestion, mais ce n'est qu'un projet.
N'existe-t-il pas un paradoxe entre les besoins immédiats de vos clients en publicité, actualité et la gestion des millions d'images qui peuvent dans ce contexte non artistique vieillir très vite ?
C'est exact, en tout cas pour les images à usage commercial. Nous estimons que la durée de vie d'une photo d'illustration n'excède pas cinq ans. De ce fait lors d'acquisitions par exemple nous ne rachetons pas seulement des fonds d'images mais aussi des talents. De plus je crois fermement que l'émergence d'acteurs tels que Corbis dans le paysage photographique construit une synergie avec d'autres acteurs à condition toutefois qu'ils maîtrisent le numérique. Un nouvel équilibre s'est créé et des agences " historiques " sont toujours là ainsi que les photographes indépendants.
Quels conseils donnez-vous à un jeune photographe désireux de faire connaître son travail ?
Comme avant il s'agit d'avoir passion, talent et opiniâtreté pour se " vendre " mais aujourd'hui avec la technologie numérique, e-mail et internet, les modes d'accès au public et aux professionnels sont en fait facilités, surtout à distance. Un portfolio tirages reste valorisant pour les contacts face à face, encore que les éditeurs acceptent totalement aujourd'hui les présentations numériques. Mais j'encourage chaque photographe à mettre en place un mini-site internet de sa production, qui est devenu la plus facilitante des introductions. On peut alors faire valoir son travail aux responsables d'agence ou des publications sans avoir à "poursuivre " un RV, et déterminer facilement et qualitativement l'intérêt d'une collaboration. J'ai connu maintenant de nombreux cas de " coups de cœur ", découvertes et collaborations déclenchés par cette approche.
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Propos suscités par Jean Philippe Klein