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Un monde à "Parr"

Un Monde à « Parr »

Martin Parr, né le 23 mai 1952

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Si je vous dis Royaume-Uni, vous pensez David Bowie, James Bond, Benny Hill et Queen Elizabeth (si, si dans cet ordre…). Or, il est un personnage clé de la photographie contemporaine, indispensable à votre culture anglo-saxonne : Martin Parr. Ne vous fiez pas à l’air doux, au sourire jovial du bonhomme. Cet homme travaille l’humour à l’anglaise comme personne !

Né à Epsom en 1952 dans le Surrey province britannique, d’une famille de la classe moyenne de la grande banlieue de Londres, Martin est initié à la photo par son grand-père amateur averti. Il collectionne les cartes postales, les chromos et les livres de photographes. Baignant dans la photo documentaire, tradition britannique de l’époque, et la culture pop montante, il observe, il capte, il témoigne des années Thatcher et de l’ère industrielle en difficulté. Etudiant en photo à la Manchester Polytechnic de 1970 à 1973, il est touché profondément par la dureté de la ville et s’attache aux sujets locaux, comme une étude de la vie prolétaire. Fin observateur, son premier coup d’éclat choque ses professeurs : un reportage dans un hôpital psychiatrique. Sa démarche est profonde, plus « documentaire » que « reportage ». Dans les années 80, il s’installe avec sa femme Suzie en Irlande et s’attache à rigoler du fameux Bad Weather anglais, dont il sort un livre en 1980, tirages en noir et blanc témoins du « smog » et de l’ennui. Cette notion le fascine. Il se fiche du bon goût et balance ses clichés sans faux-semblant. Sa démarche n’est pas artistique, son œil est critique. Il fait partie du mouvement vernaculaire, qui se veut photographe amateur, souvenirs pris sur le vif de la vie de tous les jours. Son créneau c’est la dérision, l’ironie, le sarcasme.

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En 1982, c’est la révélation de la couleur et son explosion. En 2006, ère du numérique oblige, il troque son moyen format Plaubel Makina contre un boîtier Canon et zoome sa vision. Il s’exprime en gros plans, balance ses uppercuts visuels en pleine tête mais toujours avec le sourire. Observez ses photos issues de la série Life’s a Beach et je vous défie de ne pas être perturbé ! Vous vous perdrez dans un amas huilé de vacanciers sur les plages brésiliennes, chinoises, anglaises ou autres, des doigts de pied en éventail aux corps exhibés au soleil, sans retouche, vrais de rides et d’imperfections, de bouées en plastique rose et de beignets dégoulinants sur des transats multicolores.

Du kitch, de l’humour à la limite de la vulgarité, Parr dérange. Son univers est détonnant, distrayant, acidulé, à l’extrême de la saturation. Sa touche c’est le flash en toutes circonstances, même sous la lumière écrasante du plein été californien ; cela provoque un écœurement de couleurs, une mise en avant sans fard. Il le dit lui-même, il n’a pas d’intention photographique…Pas si sûr !

Intégré à l’agence Magnum en 1994, il détonne.

« Les photographes de Magnum partent en croisade photographique contre la famine et la guerre […], en ce qui me concerne, je vais juste au supermarché du coin, c’est ma ligne de front. » Et c’est ça qui fonctionne, on accepte l’image plus facilement, elle ne choque pas comme une photo arme au poing, et pourtant…Avec le flegme de l’humour « so british’ », Parr nous livre une étude sociologique de notre société, « une époque sur le point de s’achever, faite de croissance excessive, de parade et d’ostentation ». Il se sert de l’ambiguïté de la photo, révélant deux mondes en lutte silencieuse : celui qu’on affiche fièrement aujourd’hui, face à celui subliminal qui amorce sa déchéance. Son travail sur Luxury en 2009 en est un criant appel par la mise en scène de sa richesse. Controversé, cynique, critiqué, il shoote partout où se trouve la cruauté de la vie parée de ses plus beaux effets (New Brighton 1985, The last Resort 1986, Bored Couples 1993…), « Je pense souvent ce que je photographie comme un soap-opéra, où j’attends que le bon casting soit en place ».

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En 2005, il invente un faux Fashion Magazine, sorte de pied de nez, dont il est l’intégral penseur, aidé du fantasque Paul Smith et de quelques auteurs éclairés. Lancé comme un défi, la fashion sphère adore et le magazine perdure, confié chaque année à la direction d’un photographe de Magnum. On retiendra quelques collaborations atypiques avec la marque anglaise Farah pour sa collection mode masculine exposée « comme au camping », ses propositions détonantes pour les montres Gucci, le Bon Marché et sa campagne publicitaire au caniche arc-en-ciel, ou l’exposition Foodographie au centre commercial parisien Beaugrenelle, qu’il ne vaut mieux pas visiter après un bon gueuleton !

Fin critique avec son humour décalé, Martin Parr est un collectionneur, attaché aux belles images, aux beaux livres, il a publié plusieurs de ses comparses photographes. Auteur de Photobook, sorte d’encyclopédie de l’histoire de la photographie en plusieurs volumes commencée en 2004, il l’a voulue un témoin écrit par ses acteurs, ceux qui malgré l’air du numérique, font les images et aiment à en tourner encore les pages.

Méfiez-vous de la bonhommie et du sourire franc de cet Anglais s’il vous propose une tasse de thé fumant en vous montrant sa série hilarante d’autoportraits pris à travers ses périples, il a sûrement dû mettre un peu de sel au fond de votre tasse !

Par RoxtheRoh

Journaliste Photographe

Quelques moments de la vie de Martin Parr

"Artiste de l’image déroutante, le travail de ce photographe est très longtemps resté une énigme pour moi jusqu’à ce que j’en apprécie le sens profond."

 

Rox the Roh journaliste photographe

Auteur de l'article :
RoxtheRho
Journaliste Photographe
https://twitter.com/RoxtheRoh

 

Au service de la photographie depuis 2001