Le portrait
Reflet de l'identité
La thématique du portrait fait partie de l'histoire de l'humanité, depuis toujours l'homme a éprouvé le désir de saisir les traits de son alter ego dans ses moindres contours et détours. L'autre se dérobe sous notre regard, dès qu'il n'est plus sous nos yeux, il nous échappe, nous file derrière soi. Mais la photographie va contribuer à une véritable révolution. Désormais elle permet de garder à tout jamais les traits de son prochain. Qui n'a pas une photo de son amour, de ses parents, de son frère, de sa sœur dans son portefeuille ? La photographie satisfait ce besoin impérieux de proximité et d'éternité.
Le photographe Patrick Rimond a quitté la France pour la ville d'Osaka au Japon. Lors de son arrivée, le constat évident est celui d'une différence inévitable, magistrale de culture et de civilisation. Tout naturellement il photographie les japonais dans le but de saisir des visages inconnus imprégnés de leur quotidien. Son choix esthétique s'effectue dans la plus grande neutralité de façon à être le plus proche possible de la réalité. Dans aucun cas il n'est question de les mettre en scène, au contraire il les saisit dans leur environnement journalier. Les portraits de Patrick Rimond sont des faces à faces avec des personnes qu'il côtoie au hasard de la vie. Cette frontalité fait écho à la photographie d'identité, le regard est systématiquement frontal, la position du visage également. Les prises de vues sont réalisées avec un cadrage serré. Ces gros plans sur les visages mettent en évidence le grain de la peau à l'image de celui du papier. En plus de réaliser un portrait, il saisit également une texture. Le fait de n'avoir jamais vécu auparavant au Japon lui octroie une plus grande liberté photographique. Patrick Rimond saisit le naturel de ces nouveaux visages masculins et féminins non habitués à poser et les fait siens.
Dans un autre registre Marilia Destot a réalisé de multiples portraits, avec la technique du photomaton ce qui lui permet d'aborder autrement la problématique de la frontalité et du face à face. La grande dominante de ces portraits est celle de la couleur quasi monochrome issue du fond et des habits portés par les personnes. C'est dans des rouges et des bleus très vifs que baigne l'identité de chacun. Avec cette puissance chromatique, le face à face est beaucoup plus distancié, le visage est au final noyé dans la couleur vive puisqu'elle dissout les traits et laisse seulement apparaître l'essentiel, le contour et la lumière qui émerge des visages. Marilia Destot reprend la thématique de la photo d'identité en l'exploitant à l'extrême en laissant rarement apparaître les détails. Ce type photographique a comme finalité de permettre une identification immédiate et rapide. Les traits sont purifiés avec un flash qui absorbe tout contraste et toute zone d'ombre. La composition répétée de quatre portraits, la position figée, uniforme enlève une part de personnalité qui serait davantage liée à celle de la gestuelle et de la posture. C'est sur ces paramètres que Marilia Destot explore la photo d'identité qui enlève toute idée de personnalité. Cependant elle prend le contre pied de ces portraits en réalisant des portraits aquatiques. Le geste, la pose et le choix du lieu permettent de mettre en valeur la notion de personnalité. A travers le bain elle s'engage dans la problématique liée au reflet et à celui de Narcisse.
A travers ces photographes il est possible d'appréhender la notion de portrait dans ce souci de restituer une identité avec une volonté d'être vrai et réel. Cependant le face à face s'opère brutalement avec Patrick Rimond ou de manière distanciée avec les photomatons de Marilia Destot. Dans tous les cas il s'agit bien de saisir une figure qui a priori échappe à l'œil et à son regard, d'ailleurs même la photographie peut également filer entre les doigts de son auteur.
Sites Internet des photographes :
http://www.patrickrimond.com/beingsens.html
Pour en savoir plus sur l'auteur de cette rubrique :
Chronique par Laurence Bagot
Site : http://lbagot.free.fr
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