Au coeur de l'hiver Antarctique
Texte et photos par Samuel Blanc
C’est afin de poursuivre un programme de recherche scientifique mené depuis de nombreuses années, que j’ai eu la chance de partir quinze mois en Antarctique sur une base de recherche.
Si ce mot « Antarctique » restait pour moi mythique avant de pouvoir m’en approcher, il l’est toujours, même après cette mission et mes récents voyages de ce coté là de notre planète. Pendant ces quinze mois, les scientifiques de la base, sont amenés à vivre les huit mois d’hiver parmi les plus rudes qui touchent notre planète : l’hiver austral.
Paradoxalement, celui-ci reste à ce jour le plus beau moment de ma vie, malgré quelques instants difficiles, coupés de tout et relié au monde par une simple connexion internet limitée. Comment ne pas garder en mémoire par exemple l’arrivée de l’unique espèce animale se reproduisant l’hiver en Antarctique, le Manchot empereur. Fin mars, venant de nulle part apparaissant sous forme de petits points noirs à l’horizon en colonne de quelques dizaines d’individus, il gagne chaque année leur site de reproduction pour y donner la vie. Ils seront ainsi près de 3 000 couples à se retrouver, parader et s’accoupler pour pondre un unique œuf au mois de mai alors que l’Antarctique enregistre ses conditions les plus extrêmes. En plus de leurs formidables adaptations individuelles pour faire face au froid et au vent, les Manchots empereurs adoptent la forme de la tortue afin de se tenir chaud les uns les autres, on appelle cela, la thermorégulation sociale. La température au sein de la tortue peut ainsi atteindre les 35°C alors qu’à l’extérieure il fait -35°C.
Mais l’instant que je garderai sans doute à jamais dans ma tête reste la nuit polaire. Quiconque ne l’a vécu pour de vrai, ne peut se rendre compte de l’impressionnant et de l’imposant moment. La nuit polaire s’installe peu à peu courant mars vers la fin de l’été, la durée du jour diminue considérablement et le soleil fini par fleureter avec l’horizon pour ne jamais en décoller au mois de juin. Le jour du solstice d’hiver, il apparaîtra aux alentours de 11h00 pour se recoucher à 14h00 semblant ne pas pouvoir lutter face à la puissance de l’obscurité. C’est à ce moment là, dans le ciel le plus pure, quand la nuit l’a emporté sur le jour que tel un ballet aérien, les aurores australes apparaissent. L’émotion vous surprend alors, dans le silence quasi parfait de la nuit polaire, parfois interrompu par le chant au loin d’un Manchot, ou le craquement de la banquise qui travaille sous l’effet des marées.
Fin octobre signe le début du bref austral, le soleil reprend peu à peu de la hauteur dans le ciel, offrant aux paysages hivernaux une toute autre coloration. L’ocre, le rouge, le jaune et le rose font leur apparition. Sous l’effet de l’augmentation des températures, du vent, des courants et des marées, la banquise se disloque par plaques qui partent à la dérive vers le large. Les phoques sortent alors de l’eau pour donner à leur tour la vie. L’ile se repeuple de milliers d’oiseaux alors que les Empereurs eux, s’en retournent en mer leur tache accomplie. La base est de nouveau accessible par la mer, un point rouge en acier pointe son nez à l’horizon, c’est le navire de relève, il est temps de rentrer. Adieu l’hiver, adieu l’Antarctique. Souviens-toi de la nuit polaire…
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Texte et photos par Samuel Blanc
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