Si vous vivez à Toulouse ou dans ses environs, vous avez peut-être eu la chance de découvrir au cours d'une promenade d'étranges photographies flottant le long de la Garonne. Ces installations provisoires sont l'oeuvre de Jean-François Daviaud, photographe plasticien de talent qui n'a pas peur de se "mouiller".
Heureusement, pour tous ceux qui n'habitent pas Toulouse, il existe le site www.jf-daviaud.fr vous pourrez y découvrir une partie de l'oeuvre très riche de cet artiste d'exception dont les performances flottantes ne sont que la partie immergées de l'iceberg. A noter enfin que Jean-François Daviaud est l'un des cofondateurs et organisateur de ManifestO, le festival de photographie et d'images contemporaines de Toulouse, depuis 2002 www.manifesto.org .
Vous avez inventé le concept d'exposition photographique flottante, comment vous est venue cette idée et que signifie-t-elle pour vous?
L’ai-je inventé ? Je n’en sais rien mais ne connais pas d’autres exemples.
Sur mes traversées piétonnes quotidiennes de la Garonne, l’envie est venue avec la nécessité de montrer mes photos hors salons, hors galeries, et de toucher un très large public.
Je suis très attiré par le land art, regarder du haut d’un pont est déjà un spectacle hypnotique, le mélange des volutes tourmentées du flux ou le mouvement calme des eaux m’inspire des images. Reste à raconter des histoires pour assouvir et partager mes besoins d’évasion, interpeller l’autre.
Par principe de liberté d’expression je ne demande jamais d’autorisations, j’avertis seulement de la date et du sujet du happening.
Techniquement, comment ça marche?
Les prises de vue sont toujours effectuées en fonction de la position d’où sera vue la performance, c’est un trompe-l’œil aquatique.
Pour le support Il a fallu de nombreux tests car j’utilise des affiches. Le papier se dégrade rapidement dans l’eau et il faut faire flotter une structure rectangulaire de plus de 2m², qu’elle soit molle sans trop se déformer. La formule de construction est basée sur un alliage de vitrificateur à parquet et papier bulle, grosse bidouille qui permet à l’installation de tenir une quinzaine de jours sans dégradations. Ainsi les images sont souples, elles collent à l’eau, épousent les vaguelettes, suivent le vent ou le courant. Ensuite il faut les amarrer, petit bateau ou canoë, sinon escalade !
Mes spots favoris sont les ponts, ils ont tous les avantages pour capter l’attention des flâneurs et les piles offrent une bonne accroche technique.
C'est votre quatrième série du même type. Il y a eu "Frigo radeau à la dérive", "Sirènes, six reines", "Baigneuses" et récemment "Schéhérazade Flying carpet". Chacune de ces performances porte-t-elle un message et lequel?
Les images apportent toujours un message vers un besoin de liberté, une réalité de société, une recherche du merveilleux, un fantasme… avec l’écoulement du fleuve pour chaos naturel le caractère des eaux anime l’humeur du tableau. Les images à la dérive se retiennent pour bloquer l’instant.
Les Baigneuses, ma première installation, a germé dans le cadre d’une contestation au « Printemps de septembre », gros festival d’art contemporain acheté clefs en main par notre ancien maire Douste Blazy. Cette structure a ses débuts dans la ville rose s’est imposée dans notre petit monde comme un vilain colon. Nous nous sommes sentis comme des indigènes à qui on vient montrer ce qu’est l’art. De cette sensation désagréable l’insoumission est née, ce fut ManifestO, festival photo et collectif d’artistes. Les Baigneuses prenant le large c’était notre acte d’émancipation.
Les Sirènes étaient une ode à l’amour, une envie d’odyssée, six reines exquises, tentatrices qui vous entraînent avec elles, plonger, se boucher les oreilles ou se faire accompagner d’un Orphée.
Le Frigo est une dénonciation de la société de consommation. Frigo radeau, à la dérive d’une société de consommation. Accroché à nos besoins illusoires du quotidien. Rêve de lendemains fleuris. Chacun se crée une raison d’être dans le confort, le luxe, l’amour, la mort ou la défonce. Méduse, tu surnages sur tes flots aux dépens des flux et reflux.
Le pays des Hespérides a les promesses d’un leurre impalpable. Impossible d’en sortir, ne reste qu’à supporter la dérive. Apprendre à surfer vers la divine catastrophe en douceur avec bonheur. L’excès apporte l’ivresse.
Schéhérazade s’évadant sur son tapis volant, est une performance dans l’humeur des élections, elle évoque l’envie et l’incertitude.
Comment réagissent les passants devant ces images flottantes amarrées en plein centre ville?
Il y a ceux qui passent sans ne s’apercevoir de rien et les curieux, très nombreux, ils ne savent souvent ni qui ni pourquoi ni comment ces objets étranges perturbent l’horizon car rien n’est indiqué. Ils restent à bader, parfois se racontent des histoires, j’aime les observer, épier leurs réactions, c’est un vrai petit bonheur.
Pensez-vous "récidiver"?
Je dois aller à Cologne cet hiver pour le « Photokina » et compte bien installer en grande cérémonie Lorelei sur le Rhin, à suivre, tant que les fleuves s’écoulent encore…
Chronique par Frédéric Brizaud
Site : www.photophiles.com
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