Sophie CALLE
M'as-tu vue ?
Toute l'œuvre de Sophie Calle se présente avec plusieurs séries d'histoires intégralement liées à elle-même ou à l'autre manifestant ainsi le besoin impérieux de s'immiscer dans la vie intime et l'altérité. Dans ses installations la photographie et les mots entretiennent un lien très fort l'un avec l'autre, ils sont quasiment indissociables puisque chacune des œuvres est inextricablement liée à une histoire ce qui implicitement fait appel au texte narratif et à l'image témoin. Ce rapport définit quasiment l'ensemble de son parcours artistique de manière à témoigner des expressions et des comportements de personnes dans la vie quotidienne à travers les gestes les plus rudimentaires tels que dormir, voir.
L'exposition au Centre Pompidou retrace l'œuvre de Sophie Calle depuis vingt ans. Le parcours commence par une œuvre intitulée Douleur Exquise (1984-2003), qui se compose elle-même d'une série telle que Avant la douleur, Le lieu de la douleur, Après la douleur. Tout d'abord elle présente une série de documents, d'images poinçonnées d'un chiffre qui retrace le compte à rebours du début à la fin de son voyage au Japon qui la prédestine à la rupture d'une histoire sentimentale. Dans la deuxième installation, elle stigmatise le lieu de la douleur qui est celui de la chambre d'hôtel à New Delhi avec l'objet qui en est l'origine à savoir le téléphone rouge. Enfin la dernière œuvre de la série laisse la trace des réponses à la question qu'elle a posé à des personnes " Quand avez-vous le plus souffert ? " Autrement dit Sophie Calle part de son expérience propre et se dirige vers celles des autres, ce qui est le moyen de sortir de sa douleur originelle. Son œuvre photographique est une totalité faisant un passage incessant du cas particulier au cas général. Ses installations retracent son histoire et son questionnement perpétuel vis à vis d'elle et d'autrui. La photographie est omniprésente comme la trace ou le témoignage, mais souvent elle a aussi un caractère anecdotique puisqu'elle retrace une histoire. Le lit constitue l'objet fédérateur de l'exposition. Il s'avère être le fil conducteur, ainsi il intervient également dans la série Les Dormeurs (1979), et Voyage en Californie (2003). Il est en quelque sorte le point de chute de l'histoire ou le nœud autour duquel viennent s'agrémenter les histoires.
Dans un autre contexte et une autre thématique qui est la filature, l'artiste tisse des histoires notamment en faisant suivre un individu. Sous la commande du galeriste Emmanuel Perrotin, elle réalise Vingt ans après et cette fois-ci Sophie Calle se fait suivre par un détective qui réalise un rapport d'enquête écrit avec à l'appui des photographies. Cet ensemble d'œuvres est lié au voyeurisme, à cette fascination de l'autre dans sa vie au jour le jour à la recherche d'un écart, d'une faute. L'image est la seule preuve entre le suivi et le détective. Elle fait trace d'une série d'actions réalisées dans un durée déterminée. La filature raconte l'histoire d'une vie qui se déploie dans le temps. Si cette série des filatures fonctionne avec le regard voyeuriste à l'inverse l'artiste réalise une série Les aveugles qui fait référence à l'imaginaire, et à une image mentale puisqu'il n'y a aucun support réel. Elle pose la question à des aveugles de naissance : "Quelle est selon vous l'image de la beauté ?", les réponses sont parfois étonnantes dans leur simplicité. La beauté paraît être triviale. Les aveugles constituent un corpus d'images qu'eux-mêmes n'auront jamais la possibilité de voir, leurs réponses ne sont que des interprétations de la part de Sophie Calle.
Enfin l'exposition se clôture par une installation énigmatique, il s'agit de : Une jeune femme disparaît. En effet une femme a croisé le destin de l'artiste c'est un hasard de circonstance. La presse force le destin en associant la vie de Sophie Calle à celui de Bénédicte V. qui a disparu après l'incendie de son appartement dans l'île de Saint Louis à Paris. Celle-ci était fascinée par l'artiste, l'histoire intrigue l'artiste ce qui la conduit à s'y intéresser pour l'intégrer dans son œuvre. Celle-ci est entièrement basée sur sa curiosité de la vie et surtout sur celle des autres.
Laurence BAGOT
Infos pratiques
Du 19 novembre 2003 au 15 mars 2004
Centre Pompidou, Galerie 2, Niveau 6.
Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 11 h à 21 h.
Billets en vente jusqu 'à 20 h.
Nocturnes les jeudis jusqu'à 23 h.
Fermeture des caisses à 22 h.
Tél : 01 44 78 14 63
Site Internet : www.centrepompidou.fr
Ressources Web
http://www.panoplie.org/ecart/calle/calle.html
Pour en savoir plus sur l'auteur de cette rubrique
Chronique par Laurence Bagot
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