et l'empire des usines Renault
Dans sa carrière Robert Doisneau a intégré pendant cinq ans de 1934 à 1936 le service photographique des mythiques usines Renault sur l'île Seguin en suivant les ouvriers dans leur quotidien. A cette occasion, il a dû prendre leurs rythmes de vie, leurs habitudes, s'adapter aux conditions de travail, observer leurs gestes et leurs techniques. L'ensemble de ce corpus photographique décline la vie des travailleurs sous tous ces aspects. C'est à la fois un témoignage d'époque et l'incarnation du grand talent d'un photographe qui est mis en exergue.
Les usines Renault furent l'emblème d'un développement économique sans précédent associé à celui de la voiture qui était le symbole de la liberté permettant aux français de vivre leurs premiers congés payés. L'une des missions de Robert Doisneau était de contribuer à diffuser la marque en réalisant des réclames. A cet effet, il mettait en valeur les automobiles de la régie avec des femmes raffinées, des élégantes à la mode de leur temps. L'un des usages de la photographie était destiné à valoriser la production faite par les ouvriers. Robert Doisneau est l'un des pionniers de la publicité avec toutes les mises en scène qui en découlent dans ses images. Inéluctablement il associa la douceur de la féminité à la puissance de la voiture. Ces réclames féminines contrastent avec celles des hommes qui travaillaient durement dans le cambouis et la graisse des machines.
L'exposition a la particularité de combiner des tirages d'époque en noir et blanc avec des tirages plus contemporains sur des grandes toiles. Des voitures de cette période contribuent également à cette scénographie. Robert Doisneau a saisi un univers difficile qui peut paraître ingrat à nos yeux aujourd'hui. Il fut impressionné par la grandeur si démesurée de cette usine qui employait des milliers d'hommes et de femmes, elle fut l'un des symboles de l'empire français de l'automobile. Des portraits d'ouvriers sont mis en évidence à travers leur travail, leur lutte avec des machines impressionnantes, véritables monstres géants exprimant toute la force des débuts de l'industrie. Les travailleurs sont photographiés dans des salles à perte de vue. L'immensité n'apparaît pas seulement à travers le travail mais aussi dans la salle à manger où les rangées de tables et de couverts se succèdent les unes à la suite des autres. Dans le but d'accentuer cette immensité, Robert Doisneau a réalisé deux photographies, l'une quand la salle à manger est vide et l'autre lorsqu'elle est comble d'ouvriers. Il ne manque plus que le bruit assourdissant des bavardages. La salle de bain est tout aussi impressionnante à travers son alignement de lavabos où les ouvriers se lavent après leur labeur qui n'épargne pas leur condition physique. Leur corps est souillé par la poussière et la vapeur associée à leur transpiration. Les usines Renault étaient régies par cette communauté d'ouvriers qui dédiaient une majeure partie de leur vie à celles-ci. L'île Seguin est totalement assaillie par les usines, reines de lieux, régnant seules au milieu de la Seine.
Cependant Robert Doisneau montre avant tout une image du travail remplie d'humanité avec des moments de complicité entre les ouvriers, lors d'une pause en plein air pour fumer une cigarette ou d'une conversation entre eux. Tous ces travailleurs ont souvent le sourire que ce soit à l'entrée de l'usine, à sa sortie, devant les machines ou au moment du déjeuner avec leurs collègues. Même s'il montre des moments d'intimité, notamment quand les ouvriers sont aux vestiaires, cela reste dans une extrême pudeur et dans le respect de leur dignité.
Laurence BAGOT
Infos pratiques :
Exposition du 17/01/04 au 21/03/04
L'atelier Renault
53 Champs Elysées
75 008 Paris
Tél : 01 49 53 70 70
Ressources web
Voir aussi :
La biographie de Robert Doisneau sur Photophiles
Pour en savoir plus sur l'auteur de cette rubrique :
Chronique par Laurence Bagot
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