ORLAN aux Multiples Peaux
Méthodes de l'artiste de 1964 - 2004
L'exposition d'ORLAN au Centre National de la Photographie, rue Berryer, est la dernière, sa fermeture est planifiée au mois de juin. Cette institution depuis sa création il y a sept années réalise des expositions de photographes aux talents protéiformes où la photographie est à la fois témoignage et œuvre. La saga du centre se termine donc par l'artiste ORLAN très médiatique de part la curiosité qu'elle suscite et du fait que son art est avant tout subversif et atypique.
Pourtant ORLAN a anticipé bien des modes et des tendances sociales, l'une des plus importantes est celle de l'expansion actuelle de la chirurgie esthétique. Très vite, elle prend conscience du fait que le corps est devenu obsolète et qu'il est désormais possible de le modifier à sa guise. Il devient à la fois le support et le médium de son œuvre. Ceci est une façon de critiquer les idées reçues sur les codes liés au corps. En s'intéressant également aux civilisations africaines et précolombiennes, ORLAN montre ce nouveau goût social de la peau tatouée et scarifiée. Avec son art elle instaure de l'Art Charnel.
Cette rétrospective montre les grandes étapes de son travail où son corps est sculpture, sa chair médium, et son image support de métamorphose. Immédiatement elle fait de son corps une sculpture. Son corps lui permet d'interroger sa position dans le cadre et hors de celui-ci jusqu'à la gestation de sa propre identité en tant qu'artiste. Puis elle en effectue aussi un élément de mesure qui prend les dimensions des grandes institutions telles le Centre Georges Pompidou à Paris et le musée Guggenheim à New York. Son corps est devenu le mètre des institutions. Ce mesurage est l'objet d'un rituel, elle met une tunique destinée à essuyer et à s'imprégner de la poussière du sol. Une fois souillé, son vêtement est lavé puis le jus de ce rituel se métamorphose symboliquement en reliquaire. Son corps en tant que sculpture se transforme en Olympia. Elle s'inspire du drapé du baroque et de l'œuvre du Bernin L'extase de Saint Thérèse d'Avila, ainsi elle se pare de son trousseau. Ensuite elle interroge les codes du christianisme en les parodiant avec humour et dérision, elle se métamorphose en Vierge déclinée sous différente forme, Vierge blanche, Vierge noire. Au final elle s'incarne en Sainte ORLAN. Paradoxalement à la FIAC en 1977 elle se met en scène à travers Le baiser de l'artiste, œuvre qui fait scandale de part son caractère sulfureux.
ORLAN atteint son apogée notamment lorsqu'elle effectue dans les années quatre-vingt-dix les premières opérations chirurgicales pour transformer son corps. Ces Opérations-chirurgicales-performances font de son corps encore une fois l'objet d'une mise en scène, ainsi elle arbore l'apparat du couturier Paco Rabanne puis lit du Michel Serres. Son atelier est désormais le bloc opératoire d'où elle effectue les Reliquaires et lesSuaires, mémoire et trace de ces opérations. La métamorphose de l'artiste se poursuit toujours notamment par son visage avec les Self-hybridations africaines, qu'elle opère au moyen de l'outil informatique. ORLAN interroge les civilisations où les canons de la beauté féminine sont différents. Les masques et les statuettes se fondent intégralement avec le visage de l'artiste aboutissant à des portraits en dehors de toute beauté normée. Elle s'approprie les caractéristiques des civilisations disparues et en fait une gamme de portraits où elle décline l'autoportrait sous tous ces aspects. Enfin elle effectue la déclinaison Les idiotes ; encore une fois elle se met en scène afin de parodier la femme en tant que ménagère dans la société occidentale. Son œuvre s'est étendue jusqu'au cinéma.
Laurence BAGOT
Bibliographie:
ORLAN, Raphaël Enthoven, Raoul Vaneigen, Unions mixtes, mariages libres et noces barbares,Éditions Dilecta, collection « Collectionneur », 2010.
ORLAN, Virilio Paul, Transgression, transfiguration [conversation], ed. L’Une et L’Autre, Paris, France, 2009
De la Villa Rocio, Cruz Sanchez Pedro Alberto, Garelick Rhonda, Serres Michel, Vu Lan, Tejeda Isabel, ORLAN + davidelfin, SUTURE-HYBRIDISATION-RECYCLING, catalogue de l’exposition à Espacio Artes Visuales, ed. E.A.V., Murcia, Spain, 2008
Barjou Nathalie, Deflandre Laurent, Dubrulle Antonia, Laot Clémence, Marquis Charlène, Cécile Noesser, Normand Olivier, ORLAN, Morceaux choisis, ed. Ecole Nationale Supérieure/Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne Métropole, Lyon, France, 2007
Bader Joerg, Hegyi Lóránd, Iacub Marcela, Kuspit Donald, Phelan Peggy, Viola Eugenio, Le Récit, ed. Charta, Milan, Italy, 2007
O’Bryan Jill, Carnal Art Orlan’s Refacing, University of Minesota Press, USA, 2005
Blistène Bernard, Buci-Glucksmann Christine, Cros Caroline, Durand Régis, Heartney Eleanor, Le Bon Laurent, Obrist Hans Ulrich, Rehberg Vivian, and Zugazagoitia Julian, Orlan, éditions Flammarion, Paris, France, 2004
Baqué Dominique, Bartelik Marek, ORLAN, Refiguration, Self-hybridation, Séries Pré-colombienne, ed. Al Dante, Paris, France 2001
Wilson Sarah, Onfray Michel, Allucquére Rosanne Stone, François Serge et Parveen Adams, Orlan : ceci est mon corps, ceci est mon logiciel, Black Dog Publishing, Londres, Royaume-Uni, 1996
Quelques oeuvres majeures :
ORLAN accouche d'elle-m'aime, 1964
MesuRages, 1974-1980
Le Baiser de l'artiste, 1977, Paris, Fiac
Le Drapé-le Baroque (1979-1986)
L’Origine de la guerre, 1989
La Réincarnation de sainte ORLAN, années 1990
Ceci est mon corps…Ceci est mon logiciel…, 1990
Omniprésence , 1993
Self-Hybridation “Precolombian”, 1998
Self-Hybridation “African”, 2000-2003
Le plan du film, 2001
Self-Hybridation “American-indian”, 2005-2008
Suture-Hybridization-Recycling, 2008
Ressources Web
Site web :
http://www.orlan.net/
ORLAN sur Facebook :
http://www.facebook.com/home.php?#!/pages/ORLAN/89715705814
Pour en savoir plus sur l'auteur de cette rubrique :
Chronique par Laurence Bagot
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