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Jean Dieuzaide

Jean Dieuzaide

Par Roland Quilici 

Jean Dieuzaide est né le 20 juin 1921 à Grenade sur Garonne. Enfant, il passe une enfance heureuse, entre un père qui chante des airs d'opéra et une mère qui joue du piano.

Cette enfance harmonieuse, auprès d'un père fonctionnaire qui lui enseigne les rudiments de la photographie, prend fin brutalement, lorsque ce dernier décède en 1934. Jean Dieuzaide a alors13 ans, c'est un élève studieux, passionné par l'aéromodélisme.

Il fonde la section modèle réduit de l'Aéro-club de Cannes, ville où il fait ses études. Il cultive son goût pour la photographie et travaille dur pour intégrer une grande école, car il ambitionne  d'être pilote d'avion, mais la fatigue, la malnutrition, ainsi que la tuberculose l'obligent à renoncer à ce rêve. Contraint de retourner vivre chez sa grand-mère, à Ardizas, pour achever sa convalescence, il s'emploie à parfaire son expérience photographique dans cette région qu'il affectionne et à laquelle il restera attaché tout au long de sa vie. Il confectionne des petits albums, avec ses photos. En 1942, lors de sa mobilisation il obtient un poste de photographe et ses images illustrent la revue des chantiers de jeunesse. La qualité de ses prises de vues lui valent d'être nommé chef du service photographique de la région Pyrénées Gascogne. Le 19 août 1944, alors que Toulouse est encore occupé, il se jette dans la bagarre, pour rendre compte, comme pigiste, de la libération de saphotographieville. Ses images seront publiées dans la dépêche du midi. Ses archives exceptionnelles lui ouvrent la porte au métier de photographe de presse. Son portrait du général de Gaulle, édité, qu'il réalise place du Capitole à Toulouse lui vaut de gagner son premier chèque. Par égard envers sa famille, il choisit le pseudonyme de Yan, Jean en Gascon pour signer ses photos, jusqu'en 1971, date à laquelle victime d'un grave accident, il décide de signer ses photos de son vrai nom. Refusant de rejoindre la capitale, Jean Dieuzaide choisit de mettre en avant la beauté de sa région, et se tourne vers l'édition, avec des sujets aussi divers, que le tourisme et le sport. Quinze années durant lesquelles il rend compte de l'actualité de sa région. L'Espagne, la Turquie, le Portugal, seront parmi les destinations dont il laissera des images. Lors d'un voyage  en 1953 pour réaliser un livre, il s'arrête à Cadaquès, lieu ou vit Salvador Dali, et obtient de tirer le portrait du célèbre peintre, alors qu'il prend un bain de mer. Cette image reste un classique. 1954, il est publié par le  célèbre magazine Américain Life, avec son sujet : " Mariage des funambules ". Son talent est reconnu par ses pairs, " Les Gens d'Images " lui décernent le prix Niepce en 1954 et le prix Nadar en 1961 pour son livre " Catalogne Romane ". Il reste à ce jour le seul lauréat à avoir obtenu ces deux récompenses qui comptent parmi les plus prestigieuses dans le domaine de la photographie.

photographieIl  apprivoise à  merveille le Rolleiflex, à ses débuts, puis le Leica M, mais aussi la chambre photographique.
"Photographier, c'est "écrire avec la lumière"... Lumière et vision sont intimement liées. C'est pourquoi j'affirme aussi qu'au-delà d'un art, la photographie est une approche philosophique du monde. Qu'elle soit physique ou intérieure, la lumière est aussi le "révélateur" de la totalité de la perfection ou de l'imperfection du sujet". "Sur le plan spirituel, le noir et blanc offre beaucoup plus de possibilités de projections de soi-même et possède une poésie et une musique bien plus riche… le regard glisse, découvre l'éventail fabuleux de la gamme des tons mis à la disposition du photographe."" N'est pas photographe celui qui ne l'est que dans les seuls moments où il prend un cliché ; il doit l'être toute son existence, quand il parle, se promène, travaille, mange, aime ou réfléchit ". Homme de terroir, il est attaché aux gestes du quotidien. "Chaque fois que j'ai eu l'occasion d'aller dans ma campagne, je photographie les gens de la terre. Je n'oublie pas tout ce que je leur dois… Rencontrer un paysan ou un berger, c'est une grande leçon." Intéressé par l'aéronautique, il répond à des commandes, notamment pour Air France. photographieSes images de la caravelle feront le tour du monde. Son travail rigoureux en photographie industrielle révèle l'aisance avec laquelle il nous donne à voir des images d'une parfaite composition. Avec sa recherche personnelle intitulée " mon aventure avec le brai " (un composant de la houille), il montre comment en partant du réel, son œuvre se glisse entre rêve et poésie. L'image n'est pas née de son imagination mais de la réalité et du mystère de la lumière, conjugués par sa foi religieuse. Le religieux  que l'on ressent dans ses photos d'architecture sur l'art Roman. Adepte du noir et blanc dont il maîtrise à merveille la pratique du laboratoire, Jean Dieuzaide se revendique comme un artisan de la photographie, plutôt qu'en artiste, sans doute par humilité. Il déclare en 1954 : " il ne nous faut pas chercher à faire œuvre d'art.. .Mais à nous exprimer … l'esthétisme ne doit certes pas dissimuler le message mais le renforcer ! L'œil est gourmand et exigeant ". Son choix de rester à Toulouse, loin de la capitale est  sans doute la raison pour laquelle  il n'a pas obtenu la reconnaissance de son immense talent, de son vivant. Ses prises de position pour défendre le respect du photographe et ses coups de gueule contre les journaux qui méprisent la photographie et ses auteurs sont restés mémorables. Persuadé que la photographie ne bénéficie pas au sein des milieux artistiques et intellectuels européens du prestige dont elle jouit aux Etats-Unis, Jean Dieuzaide n'a cessé de sensibiliser les institutions et de faire bouger les photographes. C'est à ce titre qu'il a créé "le Groupe Libre Expression" bousculant "les photographes de salon". Il a valorisé le statut de la photographie, en exigeant qu'elle figure dans le cursus universitaire. Pour lui, la création photographique doit trouver sa place et en 1970, il crée avec ses amis : Clergue, Boubat, Brihat, Gautrand, Lemagny, Sudre et Tournier, les Rencontres Internationales de la photographie, qui sont devenues une manifestation internationale dans le monde de l'image. 1974, Jean Dieuzaide, convaincu de la nécessité d'œuvrer pour son art, fonde la Galerie du Château d'Eau. Porté par la passion et par l'engagement de remplir la mission qu'il s'est fixé de défendre l'expression photographique, il fait de cette première galerie française dédiée à la photographie, le lieu le plus fréquenté de France. Avec une exposition par mois, il fait défiler les plus grands noms de la photographie internationale. C'est avec des rencontres, des conférences et l'édition d'affiches et de monographies qu'il laissera son empreinte sur cet ancien château d'eau promis à la démolition. 1975 il est le 1er photographe à être admis  " peintre de la marine ". 1977, Jean Dieuzaide alerte les pouvoirs publics sur la disparition proche du papier photographique baryté et, après de multiples démarches, obtient une victoire face à Kodak et Ilford. Ses nombreuses actions de " franc-tireur de la photographie ", comme il se définissait lui même assorti d'un caractère bien trempé, ont fait de lui un témoin visionnaire de son époque. Pour célébrer ses 80 ans, il expose dans la galerie qu'il a créée et où  Il a été  acteur de lphotographie'histoire de la photographie, laissant une collection de plus d'un million de négatifs. Il  décède le 18 septembre 2003 à 82 ans. Il  reste méconnu du grand public, mais pour les connaisseurs, c'est un photographe aussi important que Robert Doisneau ou Henri Cartier Bresson. Fait rare, il était autodidacte, mais photographe professionnel. Il a passé cinquante années à explorer la photographie, à Toulouse, dans une région, où il était difficile d'exercer son activité. L'association " Reporter sans Frontières "  lui a rendu hommage en publiant un fascicule en 2004. Pour ceux qui veulent en savoir plus, je recommande le très beau livre de Jean-claude Gautrand, qui était ami de Jean Dieuzaide, aux éditions Marval  publié en 1994.

Bibliographie :

1)1974 " Mon aventure avec le brai ", préface de Jean-Claude Lemagny, édité à compte d'auteur.
2) 1978 " Jean Dieuzaide et la photographie ", préface de Jean-Claude Lemagny, texte de Claude Bedat, aux éditions universitaires de la faculté du Mirail (Toulouse).
3)1981 " Toulouse, cité du destin ", texte  de René Mauriès, aux éditions Havas.
4) 1983 "Voyage en Ibérie ", textes de Gilles Mora, aux éditions Contrejour.
5) 1985 " Toulouse d'hier et d'aujourd'hui ", texte Fernand Cousteaux, Michel Valdiguié, aux éditions Briand.
6) 1994 " Jean Dieuzaide, Yan  L'authenticité d'un regard ", préface de Robert Doisneau, texte de Jean-Claude Gautrand, monographie aux éditions Marval, à Paris.
7) 1998 " Toulouse 1944 -1969, mon album de photographies", préface de René Mauriès, textes  de Charles Mouly éditions Briand, à Toulouse.
8) 1999 " Portugal des années 50 ", texte Eduardo Lourenço, aux éditions En Vue.
" Une Elégie espagnole de Luis Cemuda ".
Livre de bibliophile à tirage limité avec 4 photographies originales signées, aux éditions Fata Morgana.
9) 2000 " D'autres images ", textes de Jean Dieuzaide, aux éditions Le Temps qu'il fait.
10) 2001 " Pays basque au tournant d'un siècle ", texte de Txomin Laxait, aux éditions Atlantica à Biarritz.
11) 2002 " Jean Dieuzaide, un regard, une vie " aux éditions Somogy.
12) 2002 "Dans l'intimité des Pyrénées ", texte de Philippe Terrancle, aux éditions Milan, à Toulouse.
13) 2004 " Lourdes " aux éditions Le Temps qu'il fait.
14)  2004 " Une vie de photographes " aux éditions Le Temps qu'il fait.
15) 2004 Reporters sans frontières,Jean Dieuzaide " Pour la liberté de la Presse " 

Pour en savoir plus sur l'auteur de cette rubrique :

Chronique par Roland Quilici
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