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Diane Arbus

Par Roland Quilici

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Née Diane (prononcez Di-Anne) Nemerov à New York, le 14 mars1923, Diane Arbus est la fille de David Nemerov, un émigrant juif polonais et de Gertrude Russek, dont la famille possède une chaîne de magasins de vêtements et de fourrures.
Son père exerce les fonctions de directeur d’un de ces magasins situés dans le quartier chic de la cinquième Avenue à New York.
Son frère Howard Nemerov (1920-1991), son aîné de trois ans, avec lequel elle est très proche, devient un célèbre poète, qui obtient le Prix Pulitzer de poésie en 1978.
Diane a également une sœur Renée Sparkia, cinq ans et demie plus jeune, qui est devenue sculpteur, et qui est aujourd’hui âgée de 81 ans.
Diane Arbus est élevée les sept premières années de sa vie, par une gouvernante française, qu’elle adore, tandis que son frère aîné est choyé par une gouvernante allemande.
Un chauffeur, et une cuisinière, sont à leurs côtés dans l’appartement de quatorze pièces du quartier huppé de Manhattan, à New-York, où Diane passe son enfance.
Diane fréquente « l’Ethical Culture School et Fieldstom » à partir de 1933.
Cette jolie petite fille aux yeux verts a pour trait d’être très craintive. Passionnée par les mythes, les rituels et les spectacles, elle pratique la peinture, le dessin, et le modelage. Elle se montre très tôt douée pour les arts et son père l’encourage à devenir peintre, activité à laquelle il se consacrera lui même après sa retraite, et avec succès.

A la« Cunningham School of Arts », elle persévère dans la pratique du dessin qu’elle débute en 1935, et se révèle également des aptitudes pour le piano.
Elle dit qu’elle aurait aimée devenir une « great sad artist » (une célèbre artiste triste).
1936, elle n’a que 13 ans, lorsqu’elle tombe littéralement amoureuse d’Allan, un jeune étudiant de 19 ans, qui a abandonné ses études, et qui rêve de devenir acteur. Allan est le neveu d’un associé de son père, il est employé au département artistique de la chaîne des magasins Russek. Elle cache sa relation à ses parents. Ils le trouvent d’un milieu social modeste, et trop éloigné du leur.
Elle l’épouse néanmoins, moins d’un mois après sa majorité, le 10 avril 1941.
Au désespoir de ses parents qui souhaitent lui voir faire des études universitaires, elle n’a pour seule ambition que de devenir une bonne mère de famille.
Elle déteste le milieu d’affaires dans lequel ils évoluent.

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Allan Arbus apprend la photographie alors qu’il effectue son service militaire, durant la seconde guerre mondiale. Il enseigne à sa jeune épouse les rudiments de la pratique photographique, y compris le tirage des épreuves, dans une chambre noire improvisée dans la salle de bain de leur appartement de Manhattan. Elle commence à faire des photographies, avec le premier appareil photo offert par son mari, un Graflex 6x9.
Elle s’initie à la photographie dans un cours technique photographique dirigé par la photographe Berenice Abbott (la révélatrice aux USA d'Eugène Atget dont elle a acheté des centaines de tirages et de négatifs qui constitue à présent la collection du MoMA de New York).
En mai 1944, Allan est transféré dans une autre école à Astoria, dans le Queens (un des 5 quartiers qui avec Manhattan, le Bronx, Brooklyn et Staten Island forment la ville de New York).

Fin 1944, il est envoyé à Burma.
Diane est enceinte de Doon, sa première fille, qui naît le 3 avril 1945. Il reste de cette époque un étonnant autoportrait qu’elle réalise avec une chambre Deardorff (20 x 25 cm), la présentant à demi-nue devant un miroir, image qu’elle destine à son mari parti servir la patrie.

En 1946, après le retour d'Allan à la vie civile, ils ouvrent tous les deux un studio de photo de mode, au 71 Washington Square, en plein centre de Manhattan. Leurs premières commandes publicitaires sont pour le compte de Russek (la chaîne de magasins de fourrures de la famille Arbus) et Bonwit Teller (une enseigne de magasin de vêtements pour femme).
Leur premier reportage paraît en mai 1947 dans Glamour. Ils entament une longue collaboration avec les éditions Condé Nast qui possèdent entre autres le magazine Vogue pour lequel le couple Arbus travaille. Leur spécialité consiste en la réalisation d'images de modèles en action qui n’ont certes rien d’exceptionnel, et de portraits de famille qui leur permettent de gagner leur vie, et de former un parfait duo. Diane excelle dans le stylisme, ainsi que dans les relations commerciales avec les agences de publicité.

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1951, Diane et Allan Arbus louent leur studio photographique, et partent à Paris, avec leur fille Doon. Ils passent six mois durant lesquels ils voyagent en Bourgogne et en Bretagne, et visitent Versailles. Ils se rendent également en Espagne durant quelques semaines.
En Septembre, ils quittent Paris pour l’Italie.

Le premier reportage personnel de Diane Arbus lui est commandé par Robert Benton, directeur artistique d’Esquire. Publié sous le titre, "The Vertical Journey: Six Movements of a Moment within the Heart of the City", il comporte six portraits de New-Yorkais. Elle écrit également des articles pour accompagner ses photos dans le New York Sunday Times, Nova, Harper’s Bazaar, Seventeen ou Mc Call’s .Elle fait usage de vues en couleurs, mais uniquement pour des photographies de publicité. C'est à cette époque qu'elle rencontre Alexeï Brodovitch, célèbre directeur artistique, auprès de qui elle prend des cours, ainsi que Richard Avedon, photographe majeur, dont elle devient l'amie intime.

Bien que l’activité de leur studio photographique rencontre du succès, Diane aspire à d’autres orientations.
Elle à vingt deux ans, lorsqu’Amy Arbus, sa seconde fille naît le 16 avril 1954.
Celle ci deviendra à son tour une photographe professionnelle. Pour ceux qui veulent en savoir plus sur Amy Arbus, voici l’adresse de son site Web :
http://www.amyarbus.com

Diane Arbus souhaite exercer le métier de photographe portraitiste.
En 1955 le couple Arbus verra une de ses photographies sélectionnée par Edward Steichen pour sa célèbre exposition The Family of Man au MoMA.
En 1956, elle cesse sa collaboration photographique, avec son mari. Depuis 1955 et jusqu’en 1957, elle suit des cours avec Lisette Model, à la New School for Social Research (l’école de Francfort émigrée à New York dans les années 1930 à cause du nazisme). C’est cette célèbre photographe d’origine autrichienne, qui l’aide à trouver la façon d’affirmer ce qu’elle veut exprimer avec sa photographie.

En 1959, Diane et son mari se séparent. Amy à cinq ans, et Doon quatorze. Diane qui en a 39 ans prend en charge ses enfants. A cette période, elle entame une série de portraits.
En 1960, ses publications dans les magazines sont de plus en plus remarquées dans le cercle très fermé des éditeurs New Yorkais. Elle se voit confier des commandes de photos de célébrités, pour Show et Harper's Bazaar où son ami Marvin Israël officie comme directeur artistique. Parmi quelques uns de ces portraits figure l’actrice Mae West, célèbre égérie de l’Amérique, qu’elle rencontre à Santa Monica, alors que celle ci est âgée de soixante et onze ans. Cette photo paraît dans le magazine Show en janvier 1965. L’acteur de cinéma, Marcello Mastroianni sur un lit, ou l’écrivain américain Norman Mailer qu’elle photographie devant le coin d’un ring de boxe, en sont d’autres exemples.
En 1962 elle abandonne l’usage de son Leica pour un Rolleiflex au format 6X6. Cette année là elle rencontre John Szarkowski qui vient d'être nommé directeur du département photographie du musée en remplacement de Steichen qui a pris sa retraite.

1963, David Nemerov, son père meurt d’un cancer du poumon en mai. C'est aussi l'année où elle obtient sa première bourse Guggenheim, et réalise un projet intitulé « American Rites, Manners and Customs ».

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A partir de 1964, elle utilise un flash pour ces prises de vues.
Son style s’apparente à autre personnage important, qu’elle admire en la personne de Weegee, un reporter photographe qui utilise son flash de jour comme de nuit, pour renforcer l’aspect tragique de ses images.
A l’instar de ce dernier, elle ne s’intéresse en aucune façon, à la photographie d’événements. Après la mort, de Weegee, elle s’occupe de promouvoir les archives du photographe (un peu comme Abbott l’avait fait avec Atget).
L’utilisation du grand angulaire accentue également l’aspect étrange que l’on trouve dans son style. Ses photographies sont sélectionnées par Szarkowski en 1967 et figurent aux côtés de celles de Garry Winogrand et Lee Friedlander dans l'exposition maintenant historique "New Documents". Elle rencontre Walker Evans avec lequel elle devient amie, et qui l’encourage. Lors du vernissage de « New Documents », le 6 mars 1967, Walker Evans, Richard Avedon sont d'ailleurs présents. Cependant ces photos sont loin de provoquer l’enthousiasme du public. Certains visiteurs même n’hésitent pas à cracher sur les photos. Surnommée la « photographe de l’anormal », certains lui reproche de pratiquer « un art de sorcière. »

A travers ses portraits, Diane Arbus raconte l’Amérique des « freaks » qui exercent sur elle une réelle fascination. Ses photos dérangent toujours, et apparaissent parfois comme insoutenables, comme par exemple celle de ce jeune garçon qui tient une fausse grenade en plastique. Elle obtient de faire poser ses sujets, sans jamais voler les images. En fait nombre de ses images sont le fruit d'années d'approche. L’aspect dramatique du noir et blanc convient parfaitement à son style.

Elle obtient une deuxième bourse de la même institution, en 1966.
Elle contracte une hépatite, qui l’affaiblit.
En1967 elle accède à la notoriété avec une deuxième exposition au « Muséum of Modern Art of New York », qui s’intitule « New Documents », aux côtés de Gary Winogrand et de Lee Friedlander.
1968, elle souffre à nouveau d’hépatite.
Elle enseigne à la « Parsons School of Design » durant une année, puis à « Cooper Union » de 1968 à 1969. En 1969, Allan Arbus se remarie et part en Californie, où il devient acteur. Il joue notamment le rôle d’un psychiatre dans MASH, une série télévisée américaine culte sur la guerre du Vietnam.
Janvier 1970, elle emménage dans un loft, à Westbeth, dans une communauté d’artistes. Elle enseigne à la « Rhode Island School of Design » au printemps.
Diane Arbus se consacre alors, à une série photographique controversées, réalisées dans une institution, à Vineland, dans le New Jersey. Publiées après sa mort, sous le titre « Untitled », ses photos font l’objet de nombreuses critiques qui trouvent qu’elle exacerbe un aspect morbide de ces personnes déficientes mentales, et qu’elle les exploitent, en les photographiant contre leur gré, incapables qu’ils sont de donner leur accord à ses prises de vues.
Ils exercent sur elle une fascination dans ce qu’elle voit en eux des êtres d’une grande innocence. Les déguisements et les masques qu’ils portent pour fêter Halloween, renforce ces étonnantes images dérangeantes, qui sont devenues légendaires.
Dépressive, elle se suicide le 26 juillet 1971, dans le loft transformé en atelier d’artiste de Greenwich village, à Westbeth, au bord de la rivière Hudson, s’ouvrant les veines du poignet avec un rasoir dans sa baignoire après avoir ingéré des barbituriques.

Son œuvre, comporte environ mille tirages et 7500 films négatifs réalisés sur l’ensemble de sa carrière.
Juillet 1972, Diane Arbus est la première photographe américaine à être exposée à la 36e biennale de Venise.
Après sa mort (mais organisée avant cette fin tragique), le MoMA de New York (John Szarkowski) organise une rétrospective de son œuvre de novembre 1972 à février 1973, qui attire plus de 250 000 milles visiteurs. Une monographie catalogue est publiée par les éditions Aperture à cette occasion. Elle se vend à plus de 200 000 exemplaires. Sur sa couverture figure la photo emblématique des deux jumelles Cathleen et Colleen. L’exposition circule à l’Art Institute de Chicago, au Baltimore Museum, au Walker Centrum of Minneapolis, à la National Gallery of Canada, puis à Londres, Paris, au Japon, en Australie, et en Nouvelle Zélande.
Elle devient un mythe dans l’histoire de la photographie contemporaine, et acquiert une cote exceptionnelle auprès des collectionneurs.
En 2004 une importante rétrospective initiée par le San Francisco Museum of Art intitulée « Revelations » est ensuite présentée au Metropolitan Museum de New York. L’exposition sillonne les Etats-Unis puis de nombreuses villes européennes, dont Essen, Barcelone et Londres mais hélas pas Paris, car le prix demandé par les sœurs Arbus est jugé bien trop élevé par les conservateurs français.

Il faut mentionner que les deux filles de Diane Arbus gardent farouchement le monument de sa mémoire (ses archives). Doon Arbus, l’aîné des deux filles a pris en charge les archives photographiques, et décide durant de nombreuses années de ne laisser quasiment personne accéder aux nombreux documents qu'elles contiennent. Elle crée une sorte de mythe Arbus dont les deux sœurs usent et abusent parfois à des fins personnelles.

En 2007, ces archives exceptionnelles sont vendues au Metropolitan Museum of Art de New York pour une somme tenue secrète mais que certains estiment à plusieurs millions de dollars. (En 2005, la photo du petit garçon tenant une grenade avait été adjugée aux enchères pour la somme de $ 80 000 ; la même s'est vendue à Sotheby's le 8 avril 2008 pour $ 150 000 ($ 181 000 avec la part de Sotheby's) et le lendemain "Famille sur la pelouse un dimanche après-midi" se vendait $ 460 000 ($ 553 000 avec le premium de Sotheby's). Les prix courants de la plupart des tirages avoisinent 10 000 €).
Adulée ou détestée, Diane Arbus reste néanmoins inégalée, par un style souvent copié, avec lequel elle à contribué à faire reconnaître une photographie qui présente les aspects sombres de l’humanité.

"Il y a quelque chose que je ne photographierai jamais, c'est des chiens dans la boue."
Diane Arbus (Diane Arbus, MoMA/Aperture, 1972).

Image 1 : Diane Arbus: Revelations par Doon Arbus et Diane Arbus
Image 2 : Diane Arbus: An Aperture Monograph par Diane Arbus, Stan Grossfeld, et Doon Arbus
Image 3 : Diane Arbus, une biographie par Patricia Bosworth et Nathalie Azoulai
Image 4 : Diane Arbus: Magazine Work par Diane Arbus et Thomas W. Southall

Pour en savoir plus sur l'auteur de cette rubrique :

Chronique par Roland Quilici
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