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L'amant

Par : Xavier Braeckman

Lundi

« -allô ?

Mais oui, c’est moi, et encore heureux !

Mais pourquoi t’appelles ? T’es complètement fou ou quoi ? Il peut nous entendre.

- …

- Oui, il est là, bien sûr qu’il est là. Je te rappelle qu’il est encore chez lui tout de même.

- …

- mais oui, bien sûr, à moi aussi le temps semble long

mais non ne n’inquiète pas, il ne se doute de rien

- …

- Oui, je sais, on n’en a déjà parlé des centaines de fois, ne t’inquiète pas pour ça. Tu seras à mes côtés tout le temps, je ne penserais qu’à toi, tu le sais bien, voyons, d’ailleurs, tu le sais bien, je pense à toi tout le temps alors…attention, je l’entends, je dois…

- Non, c’est bon, il est parti, fausse frayeur, bon écoute, il faut que je te laisse maintenant.
- oui, bien sûr, moi aussi, écoute, il faut…que…
- mercredi, oui,
- moi aussi, oui moi aussi, t’es bête »

Estelle raccroche le téléphone, elle sourit. Son sourire diminue d’intensité au fur et à mesure que sa main descend et raccroche le combiné. Un reste de luminosité éclaire encore son visage lorsqu’elle se fige soudain devant la porte. Un bruit de pas provenant du salon fixe tous ses traits dans une posture d’attente. Elle a perdu tout son éclat, son regard est tendu vers cette porte qui la cache et la protège encore de Marc et de sa violence.
Un pâle rayon de lumière éclaire encore le cadre de bois intérieur de la porte du vestibule.

« Te dégonfles pas, Estelle, rien ne va arriver ce soir. Il ne sait rien pour toi et Franck, absolument rien. S’il pouvait se douter de quelque chose, tu crois vraiment qu’il te traiterait avec ce dédain habituel ?
allez courage Estelle
souris »

Estelle se tourne vers le miroir au-dessus du téléphone, tournant le dos aux bruits de télévision qui s’écoule maintenant du salon.

Mieux que ça, Estelle, tu peux mieux faire, allez, pense à Franck, la Chine, la grande muraille…la liberté retrouvée…
Dans deux jours maintenant. Plus que deux jours.

Cette pensée fait naître un sourire timide sur les lèvres rouges d’Estelle, ses yeux rayonnent, elle peut sortir de là, affronter le salon, les odeurs de cuisines, les bruits de télévision.

Et puis Marc, bien sûr.

Estelle jette un dernier coup d’œil au téléphone, retrouve son aplomb et sort.

« - marc ! Tu n’attendais aucun appel d’un traiteur, hein ?
non, non c’était pour être bien sûr, une erreur au téléphone… »


mardi

Estelle étale délicatement le rouge à lèvre sur sa bouche, étire en une moue sensuelle ses lèvres vers le miroir du vestibule. Elle aperçoit une marque rouge à l’encoignure des lèvres : il fait trop sombre dans le vestibule pour un travail si soigné. Elle pense à Franck à ce moment là qui effacerait délicatement la bavure du bout des doigts, comme une douce caresse. Un long frisson lui parcourt l’échine. Elle se détourne du miroir, réajuste son chignon et se dirige vers l’interrupteur, à droite de la porte, en face du téléphone.
Estelle pense un instant ouvrir en grand les volets du vestibule. Elle pourrait se maquiller à la lumière du jour, plus chaude, plus douce que la grosse ampoule du plafonnier qui l’éblouit avec sa couleur blanche. Elle s’approche de la fenêtre, mais, va pour ouvrir en grand le volet, quand elle pense à la voisine, madame Grillet, toujours à se fourrer dans les affaires des autres, à se mêler de ce qui ne la regarde pas. Et copain comme pas deux avec Marc, évidemment. Estelle peut les imaginer d’ici, les deux vipères : madame Grillet, penchée bas vers l’oreille de Marc : « et il était deux heures de l’après-midi, monsieur Rabert, j’la voyais se dandiner avec son rouge à lèvre devant la glace, sur qu’elle pensait à un autre, monsieur Rabert. Sauf votre respect, monsieur Rabert, mais vous comprenez, moi, une femme de son âge qui se maquille alors qu’elle sait que son mari rentre pas avant 18 heures… »

Non, ouvrir les volets avec tout ce rouge à lèvre si près du but ça serait trop risqué. Marc refuserait de dîner avec elle demain s »il venait à l’apprendre, à tous les coups. Et s’il refusait alors tout serait perdu, il faudrait encore attendre un mois au moins voir plus, avec ces chinois, comment savoir ? Et encore tout un mois de coups et d’humiliation, ça Estelle ne le supporterait pas. Plus depuis que Franck est rentré dans sa vie, depuis qu’il la guide avec sa voix chaude et ses mots doux et rassurants.

Franck…elle en oublie la lumière, l’interrupteur, le volet, madame Grillet


« - Franck ?
c’est moi
- Bien sûr que non, sinon j’t’aurais pas appeler. Tu me manques Franck, pourquoi t’es pas là. C’est trop long sans toi
- …
- Oui je sais. Demain
Je sais. Mais j’ai peur, Franck, tu sais, vraiment très peur.
- …
- Mais non, c’est pas pour toi que je dis ça, je sais bien qu’on peut pas faire autrement, que ça éveillerait les soupçons, on ne reçoit jamais personne. Et puis c’est vraiment trop dangereux, tu imagines si tu croisais quelque un ? Non, vraiment. déjà que c’est suffisamment tiré par les cheveux comme ça…
Depuis le temps qu’on a pas fêté notre anniversaire de mariage…il va déjà faire une de ces tête, Marc. J’la vois d’ici, tiens !
- Oui, je ris, c’est parce que je t’entends, mon amour.
- Redis-moi encore, comment ça sera après
- Oui, Franck, demain maintenant. Dis-moi, j’ai besoin de l’entendre, j’ai besoin de t’entendre. Raconte-moi, Franck, avec tes mots.
- …
- oui, tout ce qu’on veut mon amour
- …
- Oui, t’as raison, je récapitule.
Demain, c’est notre anniversaire de mariage, cinq ans ! Ça se fête, tout de même... les temps ont été durs pour tous les deux ces derniers temps, on a besoin de se retrouver, de repartir sur de bonnes bases, alors j’ai pensé…une petite surprise, quoi ! J’nous ai commandé un bon petit plat chez le traiteur, chez le Chinois.
- Au «palais impérial », j’me souviens Franck, oui, au palais impérial, je sais que c’est important, Franck.
- Là, repas en amoureux : bière, piment, Marc s’empiffre comme d’habitude.
- Au dessert, je lui verse l’ampoule que t’as donné ta copine aide-vétérinaire dans sa prune, histoire qu’il dorme comme un sac, l’estomac paralysé par le somnifère équin.
- Oui, mon amour, j’ai pensé à décongeler une cinquième fois la bouffe chinoise, elle a tellement été congelée et décongelée que Marc va plus pouvoir la bouffer tellement il y aura du piment dedans.
- …
- Je sais Franck, mais t’inquiète pas, j’paniquerai pas, c’est pas grave, tu sais. J’l’ai déjà vu vomir sa bière une centaine de fois, c’est pas une fois de plus…
- …
- c’est toi qui te rends pas compte Franck, comme c’est impressionnant un mec comme Marc qui t’vomit toute sa bière du samedi.
Je plaisante pas, mon amour. Je sais que t’aurais aimé être là, mais je s’rai courageuse.
- ….
- A trois du heures du matin, je t’appelle, Franck, on aura gagné à ce moment là, il sera plus qu’un mauvais souvenir, et c’est notre vie à toi et moi qui va naître de ce tas de fumier.
A ce moment là, tu viens m’aider à examiner le corps et voir s’il est transportable. Il ne sera pas mort à ce moment là, il faudra juste qu’on soit bien sûr qu’il est complètement inconscient. Là, on le descend dans ta voiture, tu le déposes, porte d’Argenteuil, à deux pas de son taudis de merde où il a l’habitude de passer ses samedis soirs : et un alcoolique banlieusard de moins et un !
Une enquête, chef ?
Pour ce déchet ? Non, tu m’expédies tout ça à la morgue, mort accidentel, le cas classique.
Mais t’es sûre qu’ils font pas d’enquête pour ce genre de mort justement, Franck ?
- …
- Mais, non, Franck, c’est pas c’que je voulais dire, mais quand même, j’ai le droit de me poser des questions, tout de même !
- …
- mais, non, Francky, t’énerve pas, voyons
non, Franck, non, j’t’appellerais plus comme ça, j’te jure c’est promis, Franck
non, Franck, raccroche pas

NOOOON ! Franck ! T’as pas le droit de me faire ça, t’entends, t’as pas le droit, t’as pas le droit, t’as pas le droit ! ! ! Tu ne PEUX pas me laisser seule, t’entends, jamais.

Franck
Franck. Rappelle-moi mon amour, me laisse pas dans le noir
toute seule »

Estelle regarde le combiné, les jointures des doigts blanchis serrent l’appareil comme une pince. Elle reste dans cette attitude une éternité, du Rimmel lui coule doucement le long des joues. Elle se mord la lèvre. Hypnotisée.

Et puis d’un coup, c’est la crise : le téléphone vole à travers le vestibule, viens cogner contre la porte en bois massif, en se décrochant, on perçoit le léger tintement du combiné qui se décroche. Estelle hurle, trépigne. Elle se jette une nouvelle fois sur le téléphone, l’attrape à deux mains et le cogne violemment contre la porte, une fois, deux fois, trois fois…ses cheveux détachés s’emmêlent à chaque coup encore plus, elle a les joues noires, barbouillées de larmes, elle tord sa bouche dans un rictus où se mêlent en même temps larmes, rouge à lèvres et salive.

Son cri devient plainte, une longue plainte qui se transforme petit à petit en une sorte de logoré inarticulé et indéfini «non, Franck, pas toute seule »

Elle reprend le téléphone au creux de ses bras, les yeux vagues, elle lui chante une litanie connue d’elle seule. Agenouillée devant la porte en bois, une lumière blafarde éclaire faiblement le chuchotement de ses lèvres. Le rayon peine à éclairer cette scène. Estelle se calme.

Le téléphone sonne
Estelle décroche

« - Fr… !…allô ?
- Oh… c’est toi mon amour ?
- …
- …
- mais non, j’ai rien à te pardonner, je sais bien depuis le temps que t’aime pas que je t’appelle comme ça, et puis on est tellement tendu…
- …
- oui, Franck, forte
forte et courageuse
- …
- moi aussi, Franck »

« je t’aime »

mercredi

Estelle finit de se maquiller, elle a mis une robe verte, une robe de type chinois, pour aller avec le repas et puis aussi pour se donner du courage, pour se tourner vers l’avenir, parce qu’elle l’avait promis à Franck, pour qu’il puisse l’imaginer ce soir. Si belle, si douce, si fragile. Comme sur les estampes chinoises, ses petites filles aux nattes brunes serrées, avec leurs belles robes en col mao au tissu brillant.
Un grand dragon or, rouge et vert enlace sa taille et forme des vagues au moindre de ses mouvements.
Elle a passé l’après-midi entière à parler avec Franck, se laissant bercer par sa voix chaleureuse, et douce. Se laissant dériver au fil des mots, sur leurs rêves qui les pousseront bientôt jusqu’à l’autre bout de la terre, anonymes, libres et amoureux. Loin de cet appartement sans vie, sans chaleur. Loin de ce monstre qui la séquestre et la brutalise.
Bientôt, elle pourra courir dans l’immensité du monde, se rassasier de lumière, d’infini.
Il est six heures. Marc va rentrer, si tout se passe bien, dans trois minutes. Il doit être à la sortie de métro à cet instant précis.
Estelle ferme les yeux, elle visualise cet homme qu’elle hait de tout son être, déboucher des escaliers du métro, se diriger vers la rue, s’arrêter, regarder à gauche et à droite puis traverser.

Elle n’a pas peur.
Elle se sent forte et déterminée.

Une odeur de nems, de shop-suey et de porc saté parvient de la cuisine.

Il est 18 heures 03
Elle entend de l’autre côté la porte d’entrée s’ouvrir. Elle sourit. Un sourire froid et sarcastique. « Pile à l’heure mon coco pour notre petite fête. Surprise ! »

2 heures 30

Le téléphone en main, Estelle laisse s’égrainer les sonneries, instinctivement, elle compte inlassablement les tonalités aiguës qui s’éteignent à son oreille.
57
Elle raccroche. Pourquoi il ne répond, il veut la rendre folle, ou quoi ? Où est-il ? Pourquoi ne répond-il pas ? Pourquoi n’entend-elle pas sa voix rassurante lui susurrer les premiers mots de leur amour vrai, sans entrave ?
Nous voilà libre Franck, maintenant, pourquoi t’es pas là ? T’es où Franck ?
72

2 heures 36

Estelle raccroche, elle se tient raide devant le téléphone, les mains pendant mollement de chaque côté de son corps, comme deux animaux trop fatigués. Elle fixe le téléphone, cherchant peut-être à trouver une réponse à la question qui la harcèle comme 72 points d’interrogation dans son crâne.
Pourquoi tu réponds pas Franck ?

Elle se retourne, fixe le miroir et rajuste son rouge à lèvre. C’est pour toi que je me suis fais belle Franck, alors, pourquoi ?

On avait dit à 3 heures, mon amour, pas avant, tu te souviens, dis ?

C’est sa voix, son réalisme, l’intensité avec laquelle elle a perçu cette phrase l’a fait se retourner.

« C’est toi, Franck ? »

Personne. Bien sûr, qu’il n’y a personne.
Et puis c’est vrai qu’on avait dit trois heures. Il reste encore 20 minutes, il doit être en train de préparer sa voiture : installer le drap pour transporter le corps, abaisser les sièges arrières pour faire entrer le corps plus facilement…

Le corps.
Enfin, ce gros porc n’est plus que ça, qu’un tas de viande boursouflé et avachi, trempant dans son vomi et ses excréments.

Tout s’était bien passé. Il s’était endormi avant les premiers spasmes. Dès qu’elle avait été sûre que l’intoxication avait commencé, Estelle était sortie du salon et était venue se réfugier dans le vestibule, près du téléphone. Elle serait bien rester pour voir ce gros cochon vider toute sa laideur de ses orifices. Franck avait eu peur pour rien, c’était plutôt agréable de le voir se vider petit à petit. Mais elle s’était réfugiée là, parce que maintenant que le processus était lancé elle ne pouvait plus supporter ce salon, avec la télé, le papier foncé et terni, la poussière sur les meubles. La télé, SA télé. Et cette odeur de renfermé, ce relent de misère qui lui collait aux narines.
Non
Elle ne pouvait plus supporter ça, elle avait attendu trop longtemps.

3 heures

« attends encore un peu Estelle, laisse-lui le temps de se préparer »

3 heures 02

Le répondeur.
Pourquoi ne s’était-il pas déclenché la première fois ?
Et puis surtout, bon dieu, pourquoi ne décrochait-il pas ?

Franck, décroche, bon dieu.

Elle raccroche. Ne pas laisser de message, trop dangereux.

3 heures 09

Estelle est restée prostrée devant le téléphone pendant tout ce temps, une éternité.

Un bruit dans le couloir.
L’ascenseur.
Elle aperçoit la lumière du couloir qui transparaît par la porte d’entrée.

Ce léger faisceau de lumière la panique soudain : son mari à côté, l’absence, la solitude. Elle décroche le téléphone, se raccroche au combiné un instant comme à une bouée, se tourne à nouveau vers la lumière.
Et recompose le numéro.

3 heures 10

bonjour, vous êtes bien chez Franck, je ne suis pas là pour le moment mais vous pouvez me laisser un message, et je vous rappellerais dès mon retour

bordel, Franck, t’es où, non de dieu, Franck, t’es où…
t’es où
Franck
BORDEL

Son propre cri l’a fait sursauter, elle se retourne et regarde convulsément autour d’elle.

« J’ai peur Franck, maintenant, t’entends, faut que tu viennes, tu m’entends, faut que tu viennes maintenant, ou au moins tu décroches, bon sang, tu décroches.

Tu peux pas me laisser maintenant, je suis allez trop loin pour toi, moi. »

Le vestibule n’a jamais été si sombre, le téléphone si rouge.
Elle marche d’un pas saccadé, frénétique. Elle déambule dans le vestibule, les ongles bientôt en sang.
Elle parcourt la pièce à toute vitesse, marque une pause dans sa course, écoute le silence. Chaque bruit, chaque murmure, chaque frôlement venus de l’extérieur l’a fait sursauter, elle se retourne, fait face à la lourde porte, regarde ce massif de bois, chuchote son nom, parfois l’appelant, geignant la plupart du temps.

6 heures 12

Estelle pleure, roulée en boule sur le sol froid du vestibule. Son visage n’est plus qu’un masque horrible ruisselant de larmes, souillée et noirci par l’angoisse.
Elle chuchote tendrement une douce mélopée au téléphone, blotti au creux de ses bras.
Elle lève encore quelquefois la tête pour épier les premiers bruits du matin. Durant ses moments là, elle répète encore son prénom, son amour gâché.

Epilogue

Estelle est recroquevillée au coin d’une salle blanche aux lumières éblouissantes. Elle bascule lentement sur elle-même, d’avant en arrière. Son regard perdu dans les brumes des neuroleptiques scrute le vide.

Deux infirmiers en blouse du même blanc que l’ensemble du décor passent, une tasse de café fumant dans les mains. Ils font une halte devant Estelle.

« - et celle-là, c’est qui
- C’est la fille de la chambre 325, arrivée ce week-end, ils l’ont retrouvé dimanche matin. C’est des voisins qui ont appelé. Par rapport à l’odeur
- L’odeur ?
- Ouais, elle avait étalé tout le long des murs du salon de la bouffe chinoise qui avait sérieusement dobée. Apparemment ils en ont trouvé un stock dans son congèle qu’elle décongelait et recongelait depuis des semaines. Alors je te dis pas quand elle s’est mise à la sortir pour de bon…
- Et on sait qui c’est cette fille ?
- Oui et non, apparemment la police a interrogé les voisins…personne ne la connaissait, elle avait emménagé là il y a de cela 6 mois, vivait seule, jamais une visite. Une voisine, une certaine madame Grillet s’était rendue chez elle, genre relation de bon voisinage, tu vois, elle a déclaré à la police n’avoir jamais vu un appartement comme ça :les volets étaient tous fermés, aucun meuble à part un grand miroir et un meuble pour un téléphonedans le vestibule…ça a l’air d’être une sacrée fouineuse la mère Grillet, et quand elle a vu la tête de l’appartement, elle a voulu en savoir plus, tu vois, elle s’est mise à vouloir fouiner un p’tit peu partout. L’autre, elle aurait pas apprécié et elle l’aurait renvoyé de chez elle à grand coup de pied où je pense, prétextant que son mari était très jaloux…et ça la mère Grillet, elle en est sûre…jamais eu de mari la cinglée…
Bref, c’te fille c’est une pauvre malade, sans famille et sans personne…personne sait depuis quand elle a pêté les plombs, mais si tu veux mon avis ça date pas d’hier…
- Et les toubibs , ils en disent quoi?
- Tu les connais, ils se prononcent pas, besoin d’analyses supplémentaires et tout le tintouin…mais bon depuis qu’elle est là, elle a pas dit un mot. Elle se balance comme ça. C’est tout. Mais j’ai quand même l’impression que les médocs lui font du bien, regarde, elle s’est mise à sourire. Une clope ?


Derrière ses yeux verts Estelle tend les deux bras vers Franck. Il se rapproche d’elle, nonchalamment, son plus beau sourire aux lèvres. Derrière, la grande muraille rougeoie, éclairée par l’ascension majestueuse du soleil.
Il la prend dans ses bras.
Estelle a une folle envie de courir.
Courir jusqu’à perdre haleine
Mais pour l’instant, elle blottit sa tête contre son épaule, elle lui sourit.
A l’infini

FIN

PHOTO : Jean-Sébastien Monzani

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Chronique : par Xavier Braeckman
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Au service de la photographie depuis 2001