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Irving Penn

 

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L’occasion est trop belle, pour ne pas saluer l’initiative d’Agnès Sire, la directrice artistique de la Fondation Henri Cartier-Bresson, qui  programme du 5 Mai au 25 juillet prochain, les images d'Irving Penn. Avec ses tirages rares au sels de platines qui prennent comme sujet les petits métiers, dont  Irving Penn pensait qu’ils allaient disparaître, voici l’occasion de vous présenter un personnage qui a beaucoup apporté à la photographie contemporaine.

Irving Penn

"Une bonne photographie est celle qui communique un fait, touche le cœur du  spectateur et le transforme. En un mot, c'est une photographie efficace".

Extrait du livre, "What Makes a Good Picture? ("The Best of Popular Photography" by Harvey V. Fondiller, ISBN:  0871650371, page 274.)

Irving Penn est né le16 juin 1917 à Plainfield dans l’état du New-Jersey, aux USA. Son père Harry Penn tient une échoppe de réparation d’horlogerie, et sa mère Sonia  (née Greenberg) est infirmière. D'origine juif, Il est de cinq années, le frère aîné, d’Arthur Penn, qui est un réalisateur de cinéma et à qui l’on doit notamment le célèbre film Bonnie and Clyde sorti en 1967, et Little Big Man, en 1970.

Il grandit à Philadelphie où il fait ses études dans un lycée public. Il commence à prendre des photos à la fin des années trente, et souhaite devenir peintre.

A 18 ans, après avoir obtenu son Bac, il  débute un cursus artistique, avec comme base, le dessin au fusain, l’aquarelle, et la peinture à l’huile à la Pennsylvania Museum School of Industrial Art, devenue depuis, l’école d’art industriel du musée de Philadelphie.

1938, il choisit sans hésiter, Alexey Brodovitch, comme professeur principal, dont il dit : « il fut pour moi un maître et une figure légendaire ». Brodovitch, qui a exercé une grande influence auprès de nombreux photographes, notamment Robert Frank, lui apprend les ficelles de la mise en page et de la maquette. « Alors que j’étais élève, puis débutant dans la profession, Brodovitch encouragea ce qu’il trouvait digne d’intérêt dans mes travaux et il me demanda de l’aider et de collaborer avec lui. »

C’est  ce dernier qui le prend comme stagiaire non rémunéré, au magazine Harper’s Bazaar durant ses deux mois de vacances d’été de 1937 et 1938, pour dessiner des croquis de chaussures. Son travail et talent lui permettent de s’acheter son premier appareil photo, un Rolleiflex, grâce la publication de ses dessins dès 1937 dans Harper’s Bazaar.

Après l’obtention de son diplôme, il  devient graphiste pour cette même université, mais cela ne lui plaît pas, et il décide de partir s’installer à New-York où il rejoint le magazine Junior League en tant que directeur artistique.

1939, il  travaille comme directeur artistique  pour l’enseigne des magasins  Saks Fifth Avenue au département publicité.

1941, après deux années passées, dont la première comme assistant, de son mentor, puis la deuxième, en solo, ayant économisé assez d’argent, il décide de quitter son emploi, pour se consacrer à la peinture.  Il se cherche un remplaçant, et rencontre ainsi Alexander Liberman, par l’entremise de Brodovitch. Il part dans le sud des Etats-Unis, puis voyage à Mexico pendant une année, pour se consacrer à cette pratique.

Persuadé qu’il ne fera qu’un peintre médiocre, il détruit ses tableaux avant de revenir à New-York. Il montre alors les planches contact  de ses photographies de voyages prises durant son périple à Alexander Liberman. Il raconte : « A peu près un an plus tard, c’est lui qui vint me proposer de devenir son assistant, et ce fut pour moi, le début d’une longue suite d’années heureuse et productives. »

 

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Embauché, comme assistant, pour aider à la mise en page des couvertures, il n’est  alors âgé que de 26 ans. Quelques mois plus tard, Liberman qui cherche un photographe  lui dit : « Pourquoi ne la feriez vous pas ? », en parlant de la couverture du magazine. Penn emprunte alors un appareil, et compose une nature morte avec un sac à main, une paire de gants, une écharpe, et une énorme Topaze qui trône à côté  de citrons. C’est avec cette première image en couleur qui fait la une de l’édition du Vogue de Novembre 1943, que commence une collaboration  fructueuse qui perdure, pendant près de cinquante  ans. Il signera 164 autres photos de couverture pour le prestigieux magazine, tout au long de sa carrière, avec notamment un portrait de Lisa Fonssagrives en noir et blanc, ou celui de l’actrice Nicole Kidman.

1944, il part à l’armée dans le service des ambulances,  pour  l’American Field Service en Italie, puis en Inde, avec l’armée Britannique, où il exerce comme photographe.

1946, de retour à New-York, il reprend sa place auprès du magazine, et se forge une réputation, au sommet de sa spécialité. Il excelle dans la photo de mode, de publicité, mais également pour des photos rédactionnelles et des reportages, et devient un expert dans le maniement des appareils grand format tels que la chambre Deardorff de format 4X5 ou 8X10 inch (20 cm x 25 cm). Il collaborera également à des publicités, pour la télévision.

Décembre 1948, après une série de photos de mode pour Vogue, entre deux avions, il découvre le studio de Martin Chambi,  un célèbre photographe péruvien, qui réside à Cuzco, au Pérou. Il prend sa place, et offre de rémunérer ses sujets. Il signe ainsi quelques 200 portraits prodigieux en Noir et Blanc d’indigènes Quechua. L’une de ses photos qui représente deux enfants, intitulée « Frère et sœur » reste une des plus connues de son œuvre. Cette  image emblématique a été adjugée pour la somme de $ 529,000 dans une vente aux enchères de 2008,  établissant ainsi un nouveau record mondial.

Il reste surtout connu du grand public pour ses portraits commencés en 1948, avec  l’acteur Spencer Tracy, qu’il fait poser dans un décor inventé par ses soins, constitué par deux panneaux qui forment un angle aigu. Il fait poser de nombreuses personnalités du monde artistique ou littéraire, tel Marcel Duchamp, Martha Graham, Georgia O'Keeffe, Igor Stravinsky, Louis Armstrong, et Marlene Dietrich.

1949, il réalise des séries de photos de nus, durant son temps libre, pour son plaisir personnel.

1950, il épouse Lisa Fonssagrives une modèle, d’origine suédoise, rencontré en 1947, qui embrasse ensuite  la danse, la photographie, et la sculpture.

Leur mariage dure 42 ans, jusqu’à la mort de celle-ci, en 1992, à l’âge de 80 ans.

De cette union, ils ont un fils nommé Tom, qui voit le jour en 1952.

1950, il est envoyé à Paris, pour couvrir les collections de haute couture, pour Vogue. Là, dans un studio en lumière du jour situé dans une ancienne école de photo, il réalise à souhait des images avec comme mannequin fétiche sa  femme. Durant ce même été, toujours à l’initiative de Liberman, il commence une série d’images des petits métiers en voie de disparition à Paris. Vous pourrez découvrir la façon particulière qu’il avait de faire poser ses sujets devant un fond neutre, comme Georges et Paul, ces garçons boucher, ce Marchand de concombres, le bougnat, le rémouleur, ou ce vitrier présenté de dos avec l’outil  propre à son artisanat, pour tenir les carreaux de verre.

1951 ses portraits de l’acteur Louis Jouvet, ou de l’écrivain Colette, âgée de 78 ans, et alors invalide sont remarqués.

Irving Penn photographie une série de natures mortes représentant des mégots de cigarettes, et des détritus, qui sous son œil, et devant les nôtres, laissent rêveurs.

Il s’est ainsi  tourné vers le milieu de l’art contemporain, où il a trouvé une reconnaissance, au travers de la galerie Pace MacGill, qui l’a représenté.

C’est aussi l’année, où il découvre l’usage du flash électronique.

Il déclare : « Mes réticences sont restées. Je me rends compte que j’ai tendance à toujours préférer travailler en dehors du studio. Utiliser un équipement simple et la lumière du jour me procure une grande joie et un sentiment de plénitude. »

1953, à 36 ans, il ouvre son propre studio de photographie sur la cinquième Avenue, à New-York.

1954 et 1955 sont l’occasion de prises de vue publicitaires réalisées à Detroit, pour le compte de la firme automobile Plymouth. Penn évolue ensuite, dans sa pratique, en signant  un portrait mythique de Pablo  Picasso en 1957, à Cannes.

1960 il publie un livre intitulé Moments preserved.

Au début des années 1964, il se rend compte, qu’il est obsédé par la pratique du tirage photographique, il s’intéresse alors au tirage au platine, au palladium, et à l’iridium. Après de nombreuses années passées  à faire des tirages la nuit, dans son laboratoire de Long Island, il réussit non seulement à maîtriser ce procédé inventé par Richard Willis en 1873, et utilisé par les Pictorialistes au début du siècle, mais aussi à le faire progresser, en utilisant une technique personnelle.

1965, à 48 ans, il obtient la consécration avec la réalisation de sa centième couverture de Vogue.

1967, il débute une série d’images de tulipes en couleur, qui seront publiés avec des pavots, des pivoines, des orchidées, des roses, des lilas, et des bégonias en 1980, sous le titre « Flowers ».

Cette même année, il  portraitise des hippies, puis choisit les Hell’s Angels, des  personnages beaucoup moins pacifistes, adeptes d’un club motocycliste, qu’il portraitise à San Francisco.

Le Dahomey, le Népal, le Cameroun, la Nouvelle Guinée, et le Maroc sont parmi les destinations dont il a ramené des images ethnographiques et que l’on peut découvrir dans son livre culte Worlds in a small room, publié en 1974. Ces photographies  figurent dans les collections du Metropolitan Museum of Art, de l’Addison Gallery of American Art, du Baltimore Museum of Art, et du MOMA, et les épreuves ont étés réalisées par ses soins.

1976, il débute sa collaboration pour  la firme de produits de beauté Clinique, qu’il mettra en scène d’une façon très originale.

Le portrait du peintre Willem De Kooning, en 1983, marque un tournant dans sa manière d’éclairer ses sujets.

1984, une rétrospective de 168 photographies est organisé par John Szarkowski au Museum of Modern Art (MoMA) à New York.

1985 il est récompensé par le Prix Hasselblad.

1986 il réalise la couverture de l’album Tutu de la légende du jazz Miles Davis.

1999  il publie  un ouvrage qui présente les vêtements du couturier  Issey Miyake, avec qui il a entretenu une longue amitié.

Beaucoup de photographes ont été influencés par Penn, et certains ont essayé de copier son style dépouillé, et sa façon de façonner la lumière naturelle, sans toutefois y parvenir avec un égal brio. Il suffit de consulter régulièrement les magazines de mode pour repérer l'utilisation régulière de son "coin".

« En général je trouve décevantes les photos qui représentent les gens dans leur milieu naturel. Du moins, je sais qu’atteindre des résultats convaincants dans ce genre d’images dépasse mes forces… aussi j’ai préféré une tâche plus limitée : m’occuper seulement de la personne, loin des incidents de sa vie quotidienne, portant simplement ses vêtements et ornements, isolée dans mon studio. C’est du sujet seul que je distille l’image que je veux, et la froide lumière du jour se dépose sur la pellicule » (extrait de son ouvrage « Worlds in a small room, 1974 »).

Artiste venu de la peinture à la photographie, c’est sans doute de là que lui vient cet attachement à la qualité de la lumière que l’on perçoit tant dans ses portraits que dans ses natures mortes. C’est avec cette subtile manière qu’il a de jouer avec la lumière du flash électronique ou de la lumière du jour qu’il crée une atmosphère définissant son style unique. On lui doit également deux ouvrages de dessin, passion originelle à laquelle il revient, sans toutefois interrompre ses recherches photographiques.

Il n'aura de cesse de continuer à travailler, jusqu'à la fin de sa vie. Il a définitivement fermé ses beaux yeux bleus, le 7 octobre 2009, à l’âge de 92 ans, chez lui, dans son appartement de Manhattan. Il avait fait don de ses archives au Museum d’Art de Chicago en 1996. Une collection de ses objets personnels est  visible à la bibliothèque Ryeson & Burhnam à l’Art Institute of Chicago.

Richard Avedon, a été son rival, car ils  étaient en compétition au sein de Vogue. Penn reste néanmoins un précurseur, avec son style, et la façon, dont il a mis au point l’éclairage de ses sujets.

Les citations sont tirées de l’ouvrage monographique sur Penn, En Passant, paru en France en 1991.

Les illustrations :

Visuel 1 : Couverture de l'ouvrage Irving Penn: Small Trades de Virginia Heckert, Anne Lacoste
Visuel 2 : Couverture de l'ouvrage Irving Penn Retrospektive /Allemand de Penn Irving

Pour en savoir plus sur l'auteur de cette rubrique :

Chronique par Roland Quilici
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Au service de la photographie depuis 2001